Logo

Archives expositions / Le spleen de Chongquing

 

 

Expo précédente - Voir les images - Expo suivante

 

 

Inspiration Japonaise

 

 

 

 

 

 

 

" Le spleen de Chongquing"

Photographies de Nicolas Joriot

Du 7 juillet au 5 octobre 2013

« QUIETUS »

Le parc ombragé abrite des joueurs de mahjong et de ping pong dont les échanges réguliers résonnent dans l’air vicié. La ville est pourtant dressée partout autour mais sa rumeur n’atteint pas le parc ni les pécheurs isolés dans la vase verdâtre à user des heures pour de rares poissons agonisant dans une eau épaisse empoisonnée.
Des êtres solitaires au destin mal fagoté hantent les terrains vagues, les territoires en friche, ces « silences immobiliers » qui attendent de connaître leur sort face aux velléités d’expansion de la ville boulimique. Chongqing a des rêves et des rives poétiques et depuis le Yangtse, ce fleuve au pouls lent et puissant, se détachent les squelettes des ponts gommés par la brume. Prés de l’embarcadère de Chaotianmen le Yangtse reçoit souverainement les eaux de la rivière Jialing, deux eaux de couleurs différentes qui s’accouplent en silence et sans faire de vague, tout ce que les hommes ne savent pas faire. En dessous des deux téléphériques traversant le ciel à une vitesse ridicule, car la lenteur est ridicule maintenant, des hommes d’affaires quittent leur costume et se jettent à l’eau pour faire la course contre les péniches chargées de charbon.
Partout autour la ville est harassée, les ponts sont submergés de voitures hargneuses mais dans le fond la grande roue de la fête foraine tourne dans le vide et brasse la brume. Sur le belvédère, près de la roue tournant pour personne, deux gazelles graciles, la caissière et sa comparse, jouent au badminton. Et la ville soudainement aphone s’efface derrière le son sec des raquettes frappant le volant.

« HYSTERICUS »

Comment font ils tout ça avec du communisme ? Du communisme pragmatique peut-être, du communisme à géométrie variable sûrement.
Chongqing, 35 millions d’âmes vives aimantées comme des phalènes par les lumières de ses buildings de verre uniformes. Chongqing, déesse consumériste nourrissant de son sein ses consommateurs compulsifs se payant un morceau de vie neuve avec de l’argent invisible.
Une corruption endémique, des fortunes stupéfiantes sentant le souffre, une pollution puissante dont les Chinois ont le secret, la ville dont l’intimité est traversée par les eaux souillées du Yangtse traite avec les métaux lourds et les exploitations minières douteuses. C’est un paysage apocalyptique d’industries sauvages, de constructions folles, de tunnels glissant sous les inextricables nœuds de bitume reliés par des ponts écrasant sans vergogne les quartiers historiques. Partout des ponts en construction renversent les immeubles barrant le passage et posent leurs pattes de bétons sur des quartiers soudainement périmés. Les grues fantomatiques agitent leurs bras macabres dans la brume et les pelleteuses grattent jour et nuit le ventre brûlant de la ville. C’est un pays en chantier, une agglomération intégralement en travaux se nourrissant de ces hectares de publicités mensongères, ces kilomètres de palissades dissimulant les chantiers sur lesquelles resplendissent des forêts fournies, des escadrons d’escargots, des papillons et des abeilles dans une nature intacte comme au premier jour, alors que derrière, avec les pelleteuses, le béton, ils font de la pure ville. Tous les jours la ville aspirée par le futur s’échappe en avant et même les catastrophes basculent immédiatement dans l’oubli. Le 7 septembre 2012 les eaux du Yangtse ont soudainement coulé rouge sang dans le cœur de la ville. Les autorités n’ont pas posé de questions, les scientifiques n’ont pas cherché de réponses. Et les pécheurs ont continué à pécher, du sang jusqu’au genoux.

Nicolas Joriot

 

 

 

 

"LA FABRIQUE DE l'IMAGE" est une activité de Pollen Scop - siret : 439 076 563 000 48

Trait bgd

FBFB Suivez nous sur FaceBook